Devenir Economiste en Chef au FMI
Par Olivier Blanchard-
Publié le : 21/10/2014
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Lecture 3 min
" La réussite professionnelle dépend à la fois des choix et de la chance. J’ai eu beaucoup de chance "
1) Bonjour Monsieur Blanchard. Pourriez-vous vous présenter (formation, expériences, poste actuel) ?
Après l’obtention d’un DEA (ndlr : ancien nom du Master 2) en économie à Nanterre en 1973, je suis allé faire un doctorat au MIT. J’ai été ensuite engagé à Harvard comme professeur assistant, puis je suis retourné au MIT, où je suis devenu professeur, puis directeur du département, et où je suis resté jusqu’en 2008. Désormais, je suis chef économiste au FMI.
2) En quoi consiste votre métier de Chef Economiste au Fonds Monétaire International ?
Mon métier actuel a deux dimensions :
– d’abord, diriger les travaux d’une centaine de chercheurs. Ceci veut dire suggérer les sujets de recherche et examiner les méthodes et les conclusions
– ensuite, donner mon avis sur les questions auxquelles le FMI doit faire face, de l’analyse de l’économie mondiale aux politiques économiques et aux programmes d’ajustement que nous avons avec un certain nombre de pays.
3) Pourquoi avoir choisi de travailler au FMI et non pas dans une entreprise ? Pourquoi être resté aux Etats-Unis après votre thèse ?
Je suis un chercheur et n’aurais donc pas de fonction naturelle dans une entreprise. Je suis resté aux Etats-Unis car les conditions de travail à Harvard et ensuite au MIT étaient bien meilleures que celles que j’aurais pu espérer avoir en France.
4) Quels avantages y a-t-il à faire une thèse aux Etats-Unis ? Quelles sont les démarches pour y parvenir ?
Il y a maintenant quelques bons départements d’économie en Europe, par exemple à Toulouse, où Jean Tirole vient d’obtenir le prix Nobel. Mais les meilleurs départements américains offrent encore aujourd’hui un climat intellectuel exceptionnel. Le processus de recrutement est simple (mais extrêmement compétitif) : il suffit de remplir un dossier d’application.
5) Quelle formation faut-il pour devenir économiste ? La thèse est-elle obligatoire ?
Pour devenir un économiste chercheur, un doctorat est quasiment obligatoire. C’est également le cas pour avoir une position au FMI. Pour être économiste dans le secteur privé, un Master est souvent suffisant.
6) Quand et pourquoi avez-vous décidé de vous spécialiser dans l’économie du travail ?
Je suis spécialisé en macroéconomie. Mais ceci m’a amené à regarder de plus près le marché du travail (et aussi beaucoup d’autres problèmes, comme celui de la transition en Europe de l’Est, les flux de capitaux entre pays, etc).
7) Quelles qualités faut-il pour devenir économiste ?
Il faut un intérêt pour les problèmes de société et pour les sciences sociales ainsi que de bonnes capacités analytiques.
8) Quel salaire un jeune diplômé peut-il espérer en travaillant en tant qu’économiste en entreprise (Total, EDF…) ou dans un organisme international (OCDE, FMI, …) ?
Je ne pourrais pas vous répondre pour ce qui est du secteur privé. Aux Etats Unis, les professeurs assistants ont des salaires de départ autour de 80.000 dollars (ou plus dans certains domaines comme la finance). Les salaires de départ sont du même ordre au FMI. Si l’on obtient la « tenure’’, une décision prise au bout de 5 ans environ, les salaires en fin de carrière sont typiquement deux ou trois fois plus élevés.
9) L’économiste dispose-t-il d’une marge de manœuvre (si oui, suffisante) pour pouvoir appliquer ses recommandations ? Est-il légitime pour le faire ou doit-il forcément se rapprocher du politique ?
Cela dépend du métier et des préférences de chacun. Certains chercheurs sont des théoriciens qui laissent à d’autres le soin d’explorer les implications de leurs théories. Certains, comme moi, ont des intérêts plus appliqués. D’autres encore entrent de plein pied dans les discussions politiques.
10) Le métier d’économiste est-il un métier d’avenir ? Recrute-t-on beaucoup dans ce milieu ? Sur quels critères ? Est-ce un métier réservé qu’aux meilleurs (Normaliens, Polytechniciens notamment…) ?
Le marché des doctorants aux Etats-Unis et en Europe est un marché porteur et le restera. Comme dans tous les domaines, les meilleures places vont en général aux meilleurs. Mais d’autres que les Normaliens ou les Polytechniciens peuvent fort bien réussir (ceci est mon cas…)
11) Quels conseils donneriez-vous aux étudiants pour devenir économiste ?
De savoir s’ils aiment vraiment l’économie… Et s’ils veulent vraiment devenir chercheur car la recherche peut être passionnante mais elle demande beaucoup de patience.
12) La crise économique actuelle perdure et le chômage ne cesse d’augmenter en France. Quels conseils donneriez-vous aux chômeurs pour garder le moral et trouver un emploi ? Peut-on espérer une baisse du chômage en France pour les prochain(e)s mois/années ?
Mon conseil irait plutôt aux étudiants en début d’études. Choisissez des domaines dans lesquels il y a des emplois. Ce conseil est d’autant plus important que le chômage est élevé et que les places sont rares….
13) Merci de votre témoignage. Je vous laisse le mot de la fin.
La réussite professionnelle dépend à la fois des choix et de la chance. J’ai eu beaucoup de chance.
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